Projet d’éducation artistique de la résidence de création d’Eddi van Tsui : ou quand les rencontres avec le public remodèlent l’installation Island 2.0

Il était une fois… la disparition annoncée de l’archipel de Tuvalu. Dans moins d’un siècle, elle aura été engloutie sous les eaux du Pacifique à cause de la montée des eaux liée au réchauffement climatique. Elle connaîtra sa disparition physique, mais pas totale : Tuvalu subsistera dans le métavers. Tel est le défi à la fois culturel et technologique annoncé par le président de l’archipel. Cette annonce a intrigué le collectif artistique luxembourgeois Eddi Van Tsui, qui a investi cette histoire vraie et tous ses paradoxes dans sa nouvelle création Island 2.0. Dans le cadre de la résidence qu’ils ont menée aux Rotondes à Luxembourg et à Bliiida à Metz, ils ont partagé largement leurs réflexions – mais aussi leurs techniques de création – avec les publics adolescents rencontrés durant leur résidence.

La résidence croisée franco-luxembourgeoise

Le collectif Eddi van Tsui pour le projet Island 2.0 et le duo Zohra Mrad – Damiano Picci pour le projet My first A/V sont lauréats du premier appel à projets lancés par les Rotondes, la Ville de Metz et Bliiida, avec le soutien de l’Union européenne dans le cadre du projet Interreg GRACE, et de la Fondation PwC. Cet appel à projets portait sur l’accueil en résidence transfrontalière d’arts numériques aux Rotondes puis à Bliiida à Metz, pour développer une création artistique et déployer un projet d’éducation artistique ou un dispositif de médiation associé.

Le collectif Eddi van Tsui

Créé en 2019, le collectif Eddi van Tsui (https://www.eddivantsui.com/) est composé de trois artistes : Sandy Flinto, plasticienne et metteur en scène, Pierrick Grobéty, musicien et concepteur son, et Daniel Marinangeli, auteur dramaturge. Depuis 2023, ils explorent la création numérique et l’intelligence artificielle, et leur impact sur l’évolution du récit et de la vision du monde à travers des créations visuelles et sonores.

©Bohumil KOSTOHRYZ

Le projet de création Island 2.0

Le projet « Island 2.0 » prend comme point de départ l’archipel de Tuvalu, menacé par la montée des eaux dont le gouvernement a décidé de reproduire leur île dans le métavers pour préserver leur culture et leurs traditions. Par la réalisation d’une installation visuelle et sonore, le collectif Eddi van Tsui souhaite aborder les questions environnementales, identitaires et technologiques, et questionner le paradoxe du métavers, dont la pollution numérique contribue à l’aggravation de la crise climatique.

© Image Alamy, retravaillé Eddi van Tsui

La première partie de résidence aux Rotondes – décembre 2025 – février 2025

Le collectif Eddi van Tsui a consacré sa première partie de résidence d’une part à collecter de la matière documentaire pour l’installation vidéo en préparation, d’autre part à créer la bande sonore de l’installation et travailler sur la spatialisation du son.

Pour en savoir plus :

Lire le récit de la résidence de décembre aux Rotondes : https://www.rotondes.lu/fr/news/multiplica-le-point-apres-la-1ere-semaine-de-residence

Lire l’article de Virgule : https://www.virgule.lu/culture/comment-le-collectif-eddi-van-tsui-sensibilise-le-public-au-dereglement-climatique/43829010.html

Ils ont rencontré un groupe de lycées primo-arrivants sur le territoire luxembourgeois : après leur avoir présenté le travail, ils leur ont fait faire une série de performances sonores pour avoir de nouvelles matières sonores à intégrer dans le projet.

La résidence aux Rotondes s’est achevée par le festival Multiplica Lab pendant lequel le collectif Eddi van Tsui a restitué une première phase de travail à un public professionnel et au grand public des Rotondes dans un second temps. Le prototype de l’œuvre était alors une grande vidéo sur Tuvalu, et une petite vidéo à côté sur les conséquences environnementales des nouvelles technologies utilisées pour dupliquer Tuvalu dans le métavers. Des objets de Tuvalu étaient exposés au sol devant l’écran.  Les rencontres professionnelles et la présence de médiatrices ont permis au collectif de récolter de précieux retours des visiteurs, sur l’impact intellectuel et émotionnel de l’œuvre.

La deuxième partie de résidence à Bliiida à Metz

Durant leur résidence à Bliiida du 2 au 16 avril, les artistes ont fait évoluer l’installation et ont mené un projet participatif avec des adolescents du centre socioculturel Arc-en-Ciel à Metz.

Enregistrement du scan 3D du pull-over @BLIIIDA

L’objectif de cette collaboration était d’intégrer des objets liés à notre culture occidentale et d’interroger leur signification, tant symbolique que personnelle.

La première rencontre a permis au collectif de présenter l’histoire de l’île de Tuvalu et de détailler le projet de création. Puis ils ont laissé les adolescents s’immerger dans l’installation, avant de leur laisser cette consigne : ramenez un objet qui vous représente, ou qui représente votre culture.

Lors de la seconde rencontre, les adolescents ont apporté des objets personnels ou représentatifs de leur culture, tels qu’une peluche, un pull-over à l’effigie d’une chanteuse internationale, une raquette de badminton, ou encore une grenouille guiro. Chaque objet a fait l’objet d’une discussion sur sa valeur symbolique ou concrète, et ces échanges ont été enregistrés par le collectif Eddi van Tsui pour nourrir le projet. Les jeunes ont également eu l’occasion de découvrir le processus de numérisation 3D d’objets, observant comment un objet physique pouvait être intégré dans un univers virtuel. L’atelier s’est conclu par une visite du tiers-lieu Bliiida.

Le 16 avril, pour clôturer leur résidence, les artistes ont présenté leur installation devant une trentaine de personnes, comprenant des résidents et salariés de Bliiida ainsi que des professionnels de la culture. Après une présentation de l’installation d’environ quarante minutes, les spectateurs ont eu l’opportunité d’échanger avec les artistes, poser des questions et partager leurs impressions.

La présentation de l’œuvre au public a été une occasion de tester l’installation : son accueil, sa compréhension et sa réception par les adolescents. Elle a amené les artistes à reconfigurer la disposition des vidéos dans l’espace, l’organisation de l’espace en alcôves plus fermées, mais en laissant le son de chaque vidéo circuler dans toute la pièce de manière à créer des échos inattendus et pertinents entre le son d’une vidéo et l’image d’une autre.